Les débats
autour des Présidentielles, de la crise économique ou de la mutation des médias
illustrent parfaitement la capacité des stratèges de tous poils à scruter le
rétroviseur pour y trouver des solutions pour l’avenir. Est-ce bien raisonnable
lorsque « le monde d’après », dans lequel nous sommes entrés, n’a
plus grand chose de commun avec la modernité qui s’achève ?
D’où
qu’ils viennent, les discours sur la méthode dont on nous abreuve ont trois
points communs : la quête obstinée des recettes des succès d’hier pour
préparer ceux de demain ; l’idée qu’il suffit de « prolonger les
courbes » pour anticiper sans risque ; la prudence et l’attente
lorsque tout bouge trop vite.
Cette
méthode n’est pas la bonne, comme le souligne Philippe Bloch dans
« l’Expansion » (mars 2012) en rappelant que « Jamais
nous n’avons eu autant d’outils d’analyse, et jamais nous n’avons si peu
compris » et que « Nous
avions prévu le probable, et c’est l’impossible qui s’est réalisé ».
Ce
que nous appelons « crise » n’en est pas une, car nous n’avons pas
affaire à des accès de fièvre qui finiront bien par se calmer. La seule
observation de la « révolution Internet » suffit pour comprendre que
l’on ne reviendra pas en arrière, et que nous assistons bel et bien, et dans
tous les domaines, à « la fin d’un monde ».
Pour autant, la fin « d’un » monde n’est pas la fin « du » monde. Comment s’adapter ?
Pour autant, la fin « d’un » monde n’est pas la fin « du » monde. Comment s’adapter ?
Pour
Philippe Bloch, « L’homme
providence, persuadé de sa capacité à dominer la nature et les événements, va
devoir faire place à l’homme du destin, celui qui accepte de faire avec
l’incertitude ». C’est le grand retour de la vision tragique de la vie
chère aux anciens grecs.
Ceux
qui gagneront demain ressembleront sans doute aux aventuriers de l’Internet
qu’il ne faut surtout pas évaluer à partir des critères d’hier. Ils ont créé
sans prudence et avant tout pour le plaisir de faire ; ils ont vu dans les
ruptures technologiques et sociales des moyens de poser des diagnostics
pertinents et des possibilités de transformer des niches en boulevards ;
malgré des revers nombreux, ils portent un regard résolument positif sur le
monde et conservent des vitalités d’adolescents et la capacité de « rêver
en grand ». Enfin, comme Claude Lévi-Strauss qu’ils n’ont peut-être pas
lu, ils savent que « Les grand
moments fondateurs sont toujours des moments de bricolage » et
pourraient dire avec Jean Cocteau :
« Nous ne savions pas que c’était impossible, alors nous l’avons
fait ».
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