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C’est sous ce titre un rien provocateur que le chercheur
biélorusse Evgueny Morozov a ouvert, dans le « Wall Street Journal »,
un débat qui n’a pas fini de faire des vagues. Non seulement les objets qui
pensent à notre place contribueraient à faire que nous raisonnons moins bien,
mais ils contribueraient aussi à normaliser notre façon de penser.
Depuis des
millénaires, l’homme a pour projet de concevoir des objets ou des machines qui
lui facilitent la vie et lui permettent de dégager « du temps de cerveau
disponible » pour se consacrer à d’autres réflexions que celles
qu’implique la multitude de petites décisions de la vie quotidienne.
Rien à dire à
cela : personne ou presque ne souhaite la disparition du tire-bouchon, de
la machine à laver, du téléphone ou de l’ordinateur.
Selon Evgueny
Morozov, les choses changent en profondeur sous le double effet de la connexion
des objets à Internet et de la socialisation des informations qui nous
concernent.
Quelques exemples
permettent de comprendre que ces évolutions nous concernent tous. Le premier
cité concerne une poubelle intelligente qui photographie ce que nous jetons,
analyse nos comportements pour nous conduire à les rendre plus responsables et
envoie les photos et le rapport qui nous concerne à tous nos amis Facebook pour
nous porter au pinacle ou nous couvrir de honte. Dans le même esprit, on trouve
aussi la balance intelligente qui tweete nos excès pondéraux à nos followers,
la fourchette intelligente qui nous informe que nous mangeons trop vite, la
brosse à dents intelligente qui s’indigne de temps de brossage trop courts, le
pilulier qui alerte notre médecin lorsque nous oublions de prendre un
médicament, ou encore les capteurs dont certains conducteurs acceptent
l’installation dans leur véhicule par des assureurs qui promettent de
récompenser les bons comportements. Or qui dit récompense dit aussi punition.
L’information sur
Internet n’échappe pas à cette tendance : sans que nous ne nous en
rendions vraiment compte, les moteurs de recherche nous proposent ce qu’ils
jugent « bien pour nous » en fonction de notre sexe, de notre
âge ou de centres d’intérêt et habitudes de consommation qui ont été repérés et
analysés au fil de nos connexions.
Insidieusement, la facilitation laisse la place à la normalisation et l’ingénierie de produit à l’ingénierie sociale. Big Brother pense pour nous dans la Silicon Valley et oriente notre façon de consommer des produits et des idées.
Insidieusement, la facilitation laisse la place à la normalisation et l’ingénierie de produit à l’ingénierie sociale. Big Brother pense pour nous dans la Silicon Valley et oriente notre façon de consommer des produits et des idées.