Les « Pure Paper » tels que « Le Canard
Enchaîné » et « XXI » doivent se réjouir : la déconnexion
devient tendance. Est-ce bien raisonnable ?
La
France compte 9,3 millions de déconnectés, soit 18,3 % de sa population. La
majorité d’entre eux sont en réalité des non connectés qui n’utilisent pas
Internet parce qu’ils ne peuvent y avoir accès pour des raisons techniques ou
financières, ou encore parce qu’ils se méfient d’une technologie qui permet de
tout savoir sur eux, voire de les escroquer.
Ceux-là
ne sont pas du tout tendance, à la différence des « Digital Detox »,
ces déconnectés volontaires auxquels l’agence Dagobert vient de consacrer une
intéressante étude.
Même
si la déconnexion curative n’est pas actuellement un mouvement de masse, le
phénomène interpelle car il concerne essentiellement des populations jugées
stratégiques par les médias, les annonceurs et les agences : des 25-49
ans, CSP+ et plus diplômés que la moyenne, qui revendiquent ce nouveau
comportement comme un anticonformisme et une preuve de profondeur.
Les
« Digital Detox » ont leur maître à penser, en la personne du
bloggeur addict Thierry Crouzet qui a raconté dans un livre (imprimé) à succès
ses 6 mois d’abstinence. Ils louchent du côté de l’Amérique qui dispose déjà
d’un « National Day of Unplugging » et où des petits malins proposent
(en ligne ?) des kits de « Social Rehab » et des cures de
désintoxication numérique mêlant le travail sur soi et le sport à la
redécouverte du corps et du plaisir de pousser des grands cris dans la nature.
Pour
ne pas rester au bord du chemin, les marques s’adaptent. Dans son étude,
l’agence Dagobert donne des exemples édifiants : une chaîne d’hôtels
garantis non connectés ; Burger
King qui offre un de ses sandwiches à ceux qui ont le courage de sacrifier 10
amis Facebook ; Diesel qui promeut ses baskets en moquant les chaussures
connectées de Nike ; Volkswagen qui vient
de décider que les BlackBerry de certains de ses collaborateurs ne
pourront plus recevoir de courriels professionnels en dehors des heures de
bureau ; les barres chocolatées Kit Kat qui installent dans les
espaces publics des aires de repos « no wifi » pour inciter à
retrouver les plaisirs de la conversation « physique » (qui est
souvent l’amie du grignotage), etc.
Les
défenseurs du « monde d’avant » ne doivent pas pour autant se
réjouir. Les « Digital Detox » ne rejettent pas Internet, mais
l’addiction à Internet. Pour les amateurs d’acronymes anglo-saxons, ils veulent
rompre avec le FOMO (« Fear Of Missing Out ») au profit du JOMO (Joy
Of Missing Out) qui consiste à ne plus utiliser le web que par plaisir et
utilité.
Pour
se reconnecter avec les « Digital Detox » et éviter que les connectés
ne soient tentés de se débrancher, les marques et les médias doivent écouter
les conseils de l’agence Dagobert : être celui qui ne harcèle pas en
supprimant la sur-sollicitation qui entraine la « e-pression » ;
éviter de s’exprimer en ligne à tout bout de champ et sans vraie raison ;
ne proposer des interactivités que lorsque elles apportent vraiment un surcroit
d’utilité ou de plaisir et non des complications de navigation ; veiller à
la cohérence « On/Off » en laissant aux produits physiques toute leur
place.