jeudi 28 février 2013

Journée mondiale sans Facebook : so what ?


Après les journées sans tabac, sans voiture, sans viande, sans achat ou sans pantalon (si, si !), voici la première « Journée mondiale sans Facebook », destinée à nous faire « réfléchir à notre cyber dépendance ». Essayons … 


Vaste programme que cette journée de pénitence et d’introspection bien dans l’air du temps, si l’on songe que Facebook compte actuellement 1,06 milliards d’utilisateurs (dont 26 millions en France) et que plus de 9 millions d’applications et sites sont intégrés à ce réseau social …

Si cet appel à l’abstinence fonctionnait à 100% sur la terre entière, pour cette seule journée du 28 février, ce sont 2,45 milliards de contenus qui ne seraient pas partagés, 2,7 milliards de « J’aime » qui ne seraient pas cliqués et 350 millions de photos qui ne seraient pas téléchargées.

Les obsédés de productivité sont vraisemblablement les inspirateurs masqués de cette journée sans Facebook. En effet, selon une étude Olféo, les connexions au travail des salariés français pour des raisons non professionnelles représentent 58% des 89 minutes quotidiennement passées sur Internet au bureau. Les chiffres de cette enquête sont parlants : ce sont 26 jours de travail par an et par salarié qui seraient consacré au surf à titre personnel, soit12,4% de productivité perdue. Même si l’on ne prête qu’aux riches, il ne faut pas pour autant accabler Facebook qui, toujours selon Olféo, est durement concurrencé sur le terrain des loisirs numériques au travail par la consultation des médias, le commerce en ligne, le visionnage de vidéos, les courriels et la gestion des comptes personnels …
Ceux qui lèvent un peu plus le nez du guidon se poseront d’autres questions sur les conséquences que pourraient avoir sur leur activité la disparition soudaine, comme par magie, des réseaux sociaux. Comment veiller sur sa réputation et repérer les « signaux faibles » ? Comment développer sa notoriété auprès du plus grand nombre ou de publics ciblés ? Comment créer de la proximité, susciter de l’interactivité, transformer des clients en ambassadeurs, voire en promoteurs ? Comment réaliser ou accompagner des évènements ? Comment constituer des bases de données ?

Se poser toutes ces questions n’est pas inutile, même si elles sont évidemment sans objet.
Cela permet de mieux prendre conscience que ce qui semble encore anecdotique à certains ne l’est vraiment plus du tout : les réseaux sociaux sont désormais au cœur de toutes les activités humaines.

C’est aussi un moyen de se souvenir « qu’avant », il existait des façons de faire qui fonctionnaient et que nous avons sans doute trop laissé de côté, car le monde réel n’a pas disparu au profit du virtuel.

Au fait, êtes-vous allé sur Facebook pour vérifier que vos amis sont bien au courant que c’est une journée sans Facebook ?

jeudi 21 février 2013

Toute la presse a besoin de mon marchand de journaux

(MàR #159)


La fermeture de points de vente de presse, ce n’est pas un peu du monde d’Amélie Poulain qui s’en va, mais un enjeu de premier plan pour toute la presse et ses lecteurs. 


Après -5,10% en 2010 et -5,4% en 2011, le nombre d’actes d’achat de presse chez les marchands de journaux a de nouveau reculé de 6,2% en 2012 selon Presstalis.
L’année dernière, 128 actes d’achat étaient réalisés en moyenne chaque jour dans un point de vente, avec un « panier moyen » de 1,38 exemplaire pour un montant de 2,90 euros.

 

Ces tristes chiffres illustrent la spirale infernale de la vente au numéro.

 

Le faible montant du panier d’achat démontre l’importance du rôle des quotidiens et des hebdos de grande diffusion (presse TV, magazines people…) pour faire entrer régulièrement les consommateurs dans les points de vente et générer des achats d’impulsion complémentaires. Mais ces titres sont durement concurrencés par Internet et, dans le cas des quotidiens, de plus en plus souvent absents des points de vente pour cause de grèves à répétition. Les consommateurs de presse moins nombreux et moins réguliers dépensent moins, ce qui a des conséquences directes sur les revenus des marchands de journaux (130 euros en moyenne de chiffre d’affaire presse par jour, avec moins de 25% de marge !) et se traduit par des fermetures de points de vente. Sans kiosque ou magasin de presse à proximité de leurs lieux de passage habituels, les lecteurs potentiels se découragent. Et la boucle est bouclée.


Les éditeurs ne restent pas inertes en attendant que les Pouvoirs publics, distributeurs, dépositaires et diffuseurs trouvent des solutions. Mais leurs marges de manœuvre sont limitées.

 

Pour ne pas perdre le contact avec leurs lecteurs lorsque leurs journaux sont empêchés de paraître, les quotidiens les mettent gratuitement à disposition sur Internet, ce qui est louable mais peut donner de mauvaises habitudes.

 

Développer l’abonnement est une stratégie qui avait sa logique, mais qui perdra demain beaucoup d’intérêt avec l’augmentation annoncée des tarifs postaux pour la plupart des magazines.

La diffusion gratuite a atteint ses limites pour les quotidiens dont la seule ressource est la publicité.

 

 Elle n’est une solution potentielle que pour les magazines très ciblés et prisés des annonceurs, tels que « Culte(s) » (450.000 ex portés à domicile) ou l’édition française de « Stylist » que se prépare à lancer le groupe Marie-Claire.

 

 La diffusion numérique ? Oui, mais … Certes, selon l’OJD, les ventes numériques des magazines ont augmenté de 80% sur un an. Mais « Le Point », qui vient en tête avec un triplement de sa diffusion numérique sur 12 mois, ne vend que 6.688 exemplaires par semaine sous ce format, à rapporter à une diffusion totale payée de plus de 430.000 exemplaires en moyenne hebdomadaire.

 

On le voit, le réseau de la vente au numéro demeure indispensable pour un bon bout de temps.

 

Depuis quand n’êtes-vous pas allé chez votre marchand de journaux ?

 

jeudi 14 février 2013

Pourquoi les Box font un carton

(MàR#158)

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Dans un monde en crise, de plus en plus complexe, virtuel et impersonnel, les consommateurs sont en quête de bons plans, de choix sans trop de risques, d’émotions polysensuelles et de petites attentions. Véritables « tout-en-un », les Box sont les nouvelles réponses à ces attentes.



Derrière l’idée de Box, il y a tout d’abord la notion de surprise.
Un méchant paquet au pied de l’arbre de Noël fait mieux battre le cœur qu’un « Bon pour » et les enseignes de fast-food ont depuis longtemps compris tout l’intérêt de proposer aux enfants une boite en carton dans laquelle un super-héros de plastique cohabite avec un hamburger.

La Box, c’est aussi la bonne affaire.
Un hamburger dont on connaît le prix, plus un jouet qui n’en a pas, c’est un bon plan ! Cette façon de penser – ou plutôt de réagir sans vraiment penser – n’est pas réservée qu’aux enfants comme l’ont bien compris les opérateurs internet en regroupant sous l’incontournable appellation de Box une multitude de services qui n’ont pas tous individuellement une valeur.

Une Box, c’est également une possibilité d’essayer et de choisir.
Nés en France, les coffrets cadeaux permettent, moyennant quelques dizaines d’euros, de s’exercer à la gastronomie, de vivre des émotions fortes ou de se faire cocooner. Et, ce qui n’est pas rien, ils soulagent ceux qui les offrent en leur évitant de choisir !

Les coffrets cadeaux ont été les premières Box à attirer l’attention de la presse, et plus particulièrement des magazines à centre d’intérêt. Ces derniers ont compris que l’expertise et la proximité de leurs marques pouvaient se monétiser auprès des professionnels des coffrets, toujours soucieux de différencier leurs offres. Les coffrets cobrandés se multiplient et les e-boutiques des magazines sont désormais un nouveau canal de vente pour les professionnels du secteur.

Mais ce ne sont pas les éditeurs qui ont adapté le modèle de l’abonnement aux Box.
L’idée consistant à proposer un abonnement permettant de recevoir chaque mois des produits de beauté « surprise » en petit format est née sur Internet ("Jolie Box").
La fondatrice du site de bons plans My Little Paris parle de « Club Barbie pour adultes » et avoue 50.000 abonnées et 2 M€ de CA pour sa « Little Box » lancée en décembre 2011. Derrière elle, l’offre surabonde avec des possibilités d’abonner sa vieille tante à « Scrap Box » (loisirs créatifs), sa fille à « Naily Box » (ongles), une jeune maman à « Sweet Baby Box » ou le chat à « Miaou Box ».

La presse bouge lentement, mais elle bouge.
Alors que « Madame Figaro » lance sa « Madbox Food », le groupe Marie-Claire prend une longueur d’avance avec sa « Cosmopolitan Box », première offre de Box beauté sur abonnement lancée par un éditeur, lequel profite d’ailleurs de l’occasion pour proposer l’abonnement au magazine éponyme pour 1 € de plus !

Les Box sont une piste à suivre de près pour les médias spécialisés, grand public mais parfois aussi professionnels : elles génèrent de nouvelles ressources, constituent de nouvelles opportunités pour les annonceurs, font vivre des expériences nouvelles aux abonnés et, plus globalement, nourrissent la marque média.

jeudi 7 février 2013

Mauvais genre ?

(Matière à Réflexion#157)


Il n’y a pas si longtemps, lire de la BD était, selon l’âge du lecteur, une façon très efficace de désespérer ses parents ou le meilleur moyen de rester chômeur si l’on mentionnait cette passion dans un CV. Il est temps de changer d’opinion.


La parution de l’étude que le Ministère de la Culture et de la Communication a consacré à « La lecture de bandes dessinées » coïncide avec 3 événements qui donnent à réfléchir :

-       La publication par les professionnels de l’édition de chiffres indiquant que le nombre d’albums publiés ou réédités a triplé depuis 2000 pour atteindre 4.800 titres en 2011. Depuis une trentaine d’années, la BD joue un rôle de véritable moteur pour tout le secteur.

-       Le couronnement par les jurés du Festival d’Angoulême du très corrosif dessinateur Willem (« Libération », « Charlie Hebdo » …) et des subtils albums « Quai d’Orsay » de Christophe Blain et Abel Lanzac (Dargaud), qui démontre que la réflexion sur la politique et la société peut aussi passer par le dessin.

-       Le 5ème anniversaire euphorique du magbook « XXI » qui a donné ses lettres de noblesse au grand reportage en BD et diffuse actuellement plus de 50.000 exemplaires à 15,50 € par parution.

L’étude du Ministère de la Culture éclaire ces différents succès.

-       23% seulement des Français de 11 ans et plus n’ont jamais lu de BD. Les 77% de bédéphiles lisent en moyenne 8 albums par an en format papier et 14% d’entre eux consomment déjà de la BD sous forme numérique.

-       Ces lecteurs sont majoritairement jeunes (mais un tiers des 25-49 ans lisent toujours de la BD) et CSP+ (50% des cadres et professions intellectuelles supérieures lisent des BD).

-       Il existe une forte corrélation entre la lecture de BD, la lecture de livres « traditionnels », la fréquentation des cinémas, musées, expositions et bibliothèques ainsi que la pratique des jeux vidéo.

Ces chiffres devraient faire réfléchir les éditeurs de BD qui parviennent mal à fidéliser au-delà de 50 ans, mais aussi les éditeurs de presse et les professionnels de la communication qui prennent insuffisamment en compte ce que pourrait leur apporter des collaborations plus régulières et impliquantes avec le « 8ème art ». Il est temps de sortir de sa bulle !